Madame Renard, l’institutrice aux cheveux gris et aux sourcils froncés… une année entière de petites remarques dont l’acidité me transperce encore aujourd’hui. Sa préférée : « Tu es toujours dans ta Tour d’Ivoire ».
Ce mot résonnait fort hier, lorsque j’ai mis à jour une de mes « bombes à retardement » émotionnelles, sur un thème récurrent : l’authenticité, la dualité permanente entre « rester invisible/ se montrer au grand jour », « la scène/les coulisses« , « se masquer/se démasquer« ?
Même si je l’ai traduit (en positif) par la pratique et la diffusion de la « Bulle bien-être« , bulle de protection invisible mais solide, offrant un espace de sécurité entre « le monde » et moi. Cette bulle, antidote à la terreur d’être ici, dans la foire d’empoigne de la « 3D » comme ils disent dans les milieux connectés aux dimensions galactiques… Une béquille pour le zèbre quasi-autiste qui vit au fond de moi, lui permettant de passer inaperçu…
« Le zèbre qui voulait passer pour un bon élève »… c’est toute l’histoire de ma vie. Assumer ma différence, ou bien me vanter de passer pour « normale » alors que je ne le suis pas?
Madame Renard nous distribuait des feuilles avec deux colonnes bien remplies de calculs soi-disant simples (pour notre âge), et la consigne de ne pas commencer avant qu’elle déclenche son fameux chronomètre. Temps minuté, stress de n’avoir pas fini, choix entre : je fais bien et je vérifie ou « je fais vite et je peux me tromper ». Me tromper (donc échouer), c’est toujours une de mes grandes peurs (aussi).
Donc comment choisir entre « échouer parce qu’on n’est pas arrivé au bout dans les temps » et « échouer parce qu’on s’est trompé », c’est le début de ma « névrose du temps ».
J’ai commencé à réagir à ce moment là contre la pression temporelle. « Vite et bien ». Comme si tu me disais : assis et couché. Morte et vivante. Ces deux notions me paraissent aussi incompatibles que « réussite et échec » en même temps. L’injustice d’une telle consigne a fait germer la révolte qui continue à gronder en moi lorsque tu « me mets la pression ».
50 ans avant que je la VOIE clairement, tout droit sorti des limbes des souvenirs scolaires :
« Salut à toi, ma névrose du temps! Je te vois partout dans les détails de ma vie… J’accumule des réserves, des projets, des kilos, comme si je pouvais conjurer le sort… après tout, peut-être que si j’ai encore plein de trucs à faire, à consommer, à découvrir, je vais gagner un sursis et la mort aura pitié de tout ce que je veux encore terminer…. Comme l’enfant qui ne veut pas se coucher : « s’il te plaît, encore 5 minutes.! … »
Le comble : mon flyer de kinésio s’intitule :
LA VIE EST COURTE.
Non mais… vous voyez le truc? Oui, bien sûr, je souffre pour ceux qui perdent leur vie, écrasés par le stress… Du point de vue de ma névrose du temps, j’aimerais les aider à dilater leur temps, à profiter davantage…
Mais peut-être qu’en fait, la vie leur semble longue.
Peut-être qu’ils s’ennuient comme des rats morts et qu’ils aimeraient en finir plus vite?
En fait, la vie n’est ni courte ni longue.
L’instant présent y est même, selon Eckart Tolle, délicieusement infini. Lorsque cet instant présent me rappelle soudain qu’il a une fin, une petite ou une grande mort, je cesse d’en jouir et je vrille dans la peur d’en manquer, la peur de le perdre, la peur de ne pas pouvoir le faire durer, la peur de ne pas pouvoir en profiter à fond.
Rien d’autre à faire, pour atteindre le CARPE DIEM, que de déconnecter ma peur de la mort. Attention, ne te méprends pas, il ne s’agit pas de déconnecter la conscience d’être mortelle. Juste m’en foutre éperdument. Justement, parce que, sur ce petit caillou improbable peuplé d’êtres vivants qu’est la terre, j’ai hérité de la chance de pouvoir bouger, respirer, parler, aimer, sentir, manger, rêver…c’est déjà ça de gagné sur le néant et le non manifesté.
Pour celui qui vit dans une cave, une journée au soleil est merveilleuse. Sauf s’il la passe à souffrir du fait qu’il va (peut-être, il ne peut en être vraiment certain) retourner dans sa cave et qu’il n’en sortira plus jamais. La peur de vieillir, la peur que le temps passe, la peur de ne plus pouvoir profiter de la vie. Voilà à quoi j’ai passé mon temps ces dernières années, plutôt que de profiter de l’instant.
C’est plutôt bête. Ou stupidement intelligent. C’est un truc d’ego, de mental qui se la joue juge plutôt que gosse naïf émerveillé devant chaque rose qui pousse; J’ai en moi un juge aigri qui refuse de faire quoi que ce soit tant qu’on ne lui promet pas l’immortalité; Et aussi un enfant qui s’en fout et regarde chaque rose et chaque matin avec de grands yeux rieurs.
Bref, si vraiment tu ne veux pas perdre ta vie en te demandant comment ne pas la gâcher, apprends à libérer l’enfant créatif et intuitif qui attend dans la cave que tu lui montres la lumière.
Ne laisse personne t’hypnotiser avec tous les trucs qu’il faudrait faire AVANT de réaliser tes rêves (passer ton bac, perdre 5 kilos, finir ton assiette, acheter ta maison…)
Fonce. Vis. Rêve. Aime.
Maintenant.